« Il faut le vouloir, ou en avoir terriblement besoin, pour être aimé de toi »

David McCabe - Peggy Roche, dans les bureaux de ELLE, 1971


« La vie s’est comme mise à l’arrêt, entraînant ton royaume dans un sommeil de cent ans. En sortant de la douche j'ai cru t’entendre m’appeler mais il n’y avait personne ; un fantôme avait pris ta place. Pendant des jours j’ai dû redéposer dans les placards la deuxième tasse du petit-déjeuner. Ton fantôme me commande les gestes, j’y réponds docilement.
Aujourd’hui ta présence est pour ainsi dire devenue inversée. Tu es si absente que tu es partout, je n’ose rien toucher de peur de déplacer le souvenir et l’évidence de toi. »

« Les femmes mannequins n’ont pas faim, n’ont pas soif et ne sont jamais fatiguées. Elles vivent grâce à leur corps sans avoir à proprement parler de corps.
On demande souvent aux petites filles de se taire, d’être polies, d’être aimables, et beaucoup de femmes restent toute leur vie dans ce coin des pièces. Être mannequin est une suite logique de l’enfance. »

« En soutenant l’indépendance de ceux que tu aimes, tu t’assures aussi de leur éternelle reconnaissance. Si tes proches sont choyés ils entrent aussi, à ton contact, dans une nasse d’exigences. Il faut le vouloir, ou en avoir terriblement besoin, pour être aimé de toi. »

« Il y a quelque chose qu’on oublie vite, avec les années, avec les disputes et les déceptions, avec ce que l’on préfère ne pas voir : c’est l’énergie initiale qui nous fait nous arrêter sur quelqu’un. […] Que la félicité des premiers instants n’est rien par rapport à la force irremplaçable d’un couple vieux, qui s’est vu plus d’une fois marcher dans la laideur, montrant le plus décevant et parvenant à s’étonner encore par des sources cachées, et susciter à nouveau l’envie inexplicable de recommencer. »

« Avec toi les choses vont toujours très vite. Un mot de toi et je changeais de vie, je quittais ce que j’étais pour entrer dans la tienne, y résoudre des énigmes. Un seul geste glissé et j’entrais de plain-pied dans le roman. J’ai entrepris le vrai chef-d’œuvre de ma vie à quarante-cinq ans, quand on pense n’intéresser plus grand monde.
Les débuts sont difficiles. Je ne sais pas toujours m’y prendre. Ton système est déjà en place. Tu m’y entraînes, exigeant dévotion et discrétion, exactement en même temps. Tu voudrais que je sois à tes côtés puis que je disparaisse aussi spontanément. Je ne comprends pas toujours ce qui te convient, je résiste longtemps. »

Marie-Ève Lacasse - Peggy dans les phares (Flammarion-2017)

Commentaires