On n’est pas sérieux quand on a 17 ans

Gustave Roud - Autoportrait en ombre, avec André Ramseyer travaillant à la fourche, années 1940


« De toute façon, à dix-sept ans, je n'ai pas une conscience aussi claire de la situation. À dix-sept ans, je ne rêve pas de modernité, d'ailleurs, de firmament. Je prends ce qu'on me donne. Je ne nourris aucune ambition, ne suis porté par aucune détestation, je ne connais même pas l'ennui.
Je suis un élève exemplaire, qui ne rate jamais un cours, qui obtient presque toujours les meilleures notes, qui fait la fierté de ses professeurs. Aujourd'hui, je le giflerais, ce gamin de dix-sept ans, non pas à cause de ses bons résultats mais parce qu'il cherche seulement à complaire à ses juges. »

« […] comme si la vie, c'était ça, simplement ça, se fréquenter et se perdre de vue et continuer à vivre, comme s'il n'y avait pas des déchirements, des séparations qui laissent exsangues, des ruptures dont on peine à se remettre, des regrets qui vous poursuivent longtemps après. »

« Je me demande si la froideur des pères fait l’extrême sensibilité des fils. »

« Sauf que T. me manque. Il me manque abominablement. Et ça change tout. Avez-vous remarqué comme les paysages les plus beaux perdent leur éclat dès que nos pensées nous empêchent de les regarder comme il faudrait ? »

« Et quand on a été mordu, une fois, on a peur de recommencer, plus tard, on redoute d'avoir mal, on évite la morsure pour éviter la souffrance; pendant des années, ce principe me servira de viatique. Autant d'années perdues. »

« Je le sens, ce désir, il fourmille dans mon ventre, parcourt mon échine. Mais je dois en permanence le contenir, le comprimer afin qu'il ne saute pas aux yeux des autres. Car j'ai déjà compris que le désir est visible. »

Philippe Besson - Arrête tes mensonges (Julliard-2016)

Commentaires