Récap avril 2016



Isabelle Monnin - Les gens dans l'enveloppe (JC Lattès-2016)
Comme supposé, j’ai préféré la seconde partie du roman consacrée à l’enquête, où l’auteur recherche les membres de la famille dont elle a acheté le lot de photographies. Comme j’ai lu le roman sur liseuse, je n’ai pas pu écouter les chansons d’Alex Beaupain. Ce qui ne devrait pas tarder puisque j’ai offert ce livre/CD à Sister pour son anniversaire.
Extraits


Cécile Ladjali - Illettré (Actes Sud-2016)
J’ai revécu à un degré moindre (Ladjali est moins abjecte que Barbery) la pénible lecture de L’élégance du hérisson. J’ai enragé tout le long du roman qui n’est que la  vision fantasmée et « romantique » (cf. la fin tragico-ridicule du divan) d’un réel handicap par une personne supérieurement éduquée (et qui le rappelle régulièrement au lecteur en utilisant des mots savants/rares qui arrivent comme un cheveu sur la soupe dans le récit). J’ai trouvé facile le parti-pris d’exonérer à la fois le personnage et le système éducatif en allant chercher une cause psychanalytique au blocage de Léo : le choc provoqué par la disparition de ses parents lui a fait oublier toutes les bases de la lecture/écriture qu’il avait assimilées alors.
Toutes les situations concrètes sont explorées d’un point de vue intellectuel auxquelles s’ajoutent quelques invraisemblances qui ont fini par me mettre hors de moi. Un point bien vu, qui sonne juste (quand même !) : la compétition qui se met en place entre Violette, la gamine qui apprend à lire à l’école, et Léo.


Isabel Colegate - La partie de chasse (Belfond Vintage-2015)
Roman dans la pure veine de l’esprit Downton Abbey (ce n’est pas un hasard sir Julian Fellowes en signe la préface). Le début du XXe siècle sonne la fin d’un monde pour l’aristocratie anglaise ; les plus lucides vivront cette mutation mieux que les autres.
Pas désagréable car parfois délicieusement mordant (même si pas suffisamment à mon goût).
Extraits


Kaitlyn Greenidge - We love you Charlie Freeman (Algonquin Books-2016)
Accompagnée de son prof de mari, Charles, et de ses deux filles (Charlotte, 14 et Callie, 9 ans), Laurel prend son poste au Toneybee Institute, centre privé de recherche scientifique. Sa mission : apprendre le langage des signes à un chimpanzé et booster ses capacités à échanger et interagir en en faisant un membre à part entière de la famille.
Un premier degré de lecture montre comment l’irruption d’un singe bouleverse la vie d’une famille « normale » et révèle ses difficultés à communiquer (la solitude de la petite Callie est très émouvante). Un second degré touche au racisme quand on sait que la famille est Afro-américaine et que dans les années 1920 des expérimentations humaines peu orthodoxes ont été effectuées par un médecin de l’institut.
Très beau (premier) roman, intelligent,  qui soulève beaucoup de questions et met parfois le lecteur mal à l’aise (j’ai hâte de savoir ce que Jackie Brown en pensera. ici). J’espère qu’il sera bientôt publié en France.
Extraits


Jon Mooallem - American Hippopotamus (The Atavist-2014)
Comment régler la pénurie de viande qui touche les États-Unis en ce début du XXe siècle ?
Soutenus par le président Theodore Roosevelt, deux hommes que tout oppose, l’un, aventurier et mercenaire, aussi habile et humble que l’autre était fourbe et mythomane, vont se rapprocher pour mener à bien un projet fou : importer des hippopotames d’Afrique pour les acclimater au climat de la Floride ! Tout ça sous fond de manœuvres politiques et de 1e guerre mondiale.
Un pan loufoque de l’histoire américaine qui se prêterait bien à une déclinaison ciné façon Aventuriers de l’Arche perdue.
Avant d’être publié en ebook, cet essai est paru sur le site The Attavist où il peut encore être lu dans son intégralité (agrémenté de films, photos et bandes sonores).
Edit du 05.08.2016 : le billet complet de Cyril, alias Pr Platypus.
Extraits


Garth Greenwell - What Belongs to You (Farrar, Straus and Giroux-2016)
Un jeune professeur américain en poste dans un lycée de Sofia rencontre Mitko, un prostitué bulgare lors d’une virée nocturne sur un lieu de drague. S’ensuit une relation tumultueuse entre les deux hommes, le tapin exerçant une véritable attraction sur le prof, en même temps qu’il se montre par moment menaçant et dangereux. Le professeur narrateur va s’employer à se dépêtrer de cette relation amoureuse, charnelle mais toxique, dans un pays qui lui est étranger (et qui plus est, la Bulgarie) et dont il ne maîtrise pas toutes les subtilités de la langue.
Un très beau roman, à la fois sensuel, poétique et troublant. Un seul bémol : dans sa structure, il laisse trop apparaître qu’il s’agissait au départ d’une nouvelle (Mitko, Lauréat du 2010 Miami University Press Novella Contest) qui a été enrichie plus tard de deux autres « parties », intéressantes, mais reliées de façon un peu trop artificielle (ou trop « voyante »).
Écouter Garth Greenwell lire quelques extraits de son roman ici.
And I was all the more apprehensive because I was traveling with my mother, her visit a tentative rapprochement after three years of near estrangement. We hadn’t fallen out, exactly, but she was part of that past I had wanted somehow to undo, a past I had felt freer without, and I was uneasy at the thought of her coming here, bringing with her so much of what I had fled. There was the added burden of being a host, heavier since it was my mother’s first trip to Europe, her first trip anywhere at all, and she felt a mixture of eagerness and anxiety I had to satisfy and allay. She had scheduled ten days in Bulgaria, most of which we had spent outside of Sofia; I wanted her to see the more beautiful parts of the country, and we were returning now from Burgas, a seaside city I had long wanted to visit. We had both been charmed by it, and as we joined the crowds walking its long piers and rocky beach, there was a vibrancy in the summer-drunk evenings I had never felt in Sofia. We hadn’t had any of the dramatic scenes I had anticipated, though we were both fatigued, I thought, by the care we took to avoid them. But the trip had not been a failure; I hadn’t, as I had feared, been cruel to her, though for a long time cruelty had been my way of protecting myself from what I saw as her grasping possessiveness, a desire to pry that infringed upon my necessary privacy. She had been careful, after our three years apart, not to impose, and she maintained a lightness of tone that didn’t quite preclude moments of closeness. She spoke of the past in a way she hadn’t before, telling stories of my father, of his early life and of their life together, for the first time speaking of him without rancor, acknowledging a happiness that was brief and had never been reclaimed. I was eager for these stories, though I was cautious, too; I knew that they might draw me back to what I had left, that they had depths I might be lost in.

I glanced at my mother, who looked stricken as she watched the boy weep, her own eyes welling with tears, and I wondered, as I had so often, whether she was the source of my own discontent, whether there was something she could have done that would have made me other than I am. I considered this as I watched her watching the boy, even though I knew it was unfair, that I was lucky to be loved as she loved me.

Extraits 1 - Extraits 2


Jean-Philippe Blondel - Mariages de saison (Buchet-Chastel-2016)
Après plusieurs ratés successifs avec Blondel (sous sa casquette auteur pour « adultes »), j’attendais beaucoup de ce nouveau rendez-vous. Et c’est mitigé que je sortirai de cette courte lecture.
Non seulement le thème du roman, rebattu tant en littérature qu’au cinéma, n’est pas revisité, mais j’y ai trouvé Blondel donneur de leçon, assénant ses convictions (politiques, sociétales) sans nuance, se tenant au-dessus de la mêlée de ces familles provinciales forcément mesquines et risibles. Résultat : c’est trop souvent caricatural et superficiel, même s’il se dégage de tout ça une fine observation des relations au sein du couple.
Autre détail frappant : le style qui, cette fois-ci, m’a paru particulièrement fade et sans relief (arriver juste après Garth Greenwell n’a certainement pas joué en se faveur). Bref, un roman inabouti loin de ceux qui m’ont enthousiasmé par le passé.

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