Récap janvier 2016


James Hannaham - Delicious Foods (Little, Brown and Company-2015)
Après la lecture de ce roman, on ne voit plus de la même façon les fruits de la fin du repas !!!
Le récit s’ouvre sur la fuite d’Eddie, 17 ans, au volant d’une voiture… les deux mains sectionnées, voulant rejoindre sa tante qui a été jusque-là son seul repère. Au fil des chapitres, on reconstruit le parcours des personnages.
Darlène n’arrive pas à se remettre de la disparition tragique de son mari, mort dans l’incendie de son épicerie provoqué intentionnellement par des suprématistes blancs, qui lui reprochaient sa participation au mouvement pour le droit de vote des Noirs. Rongée par la culpabilité, Darlène s’enfonce peu à peu dans la drogue, puis la prostitution, délaissant toujours plus son jeune fils de 11 ans, Eddie.
Un jour, elle croise le chemin de Jackie qui lui promet un job d’enfer dans une ferme en Floride : Delicious Foods. Décidée à s’en sortir, elle part laissant Eddie derrière elle. En signant son contrat d’embauche, elle signe sa dépendance totale de Delicious Foods, esclavagiste moderne qui va lui facture plein pot (et plus encore) le gîte, le couvert, la drogue et l’alcool que son maigre salaire pour des journées sans fin ne pourra jamais rembourser.
La structure narrative, la trouvaille d’écriture (réussie) d’incarner le crack et de le faire parler à travers le personnage de Scotty, le parti pris de montrer les Noirs toujours prisonniers du racisme ancré dans leurs esprits… contribuent à en faire un beau grand roman.

“A powerful allegory about modern-day slavery, Delicious Foods explores the ways that even the most extraordinary black men and women are robbed of the right to control their own lives. […] Hannaham satirizes racial stereotypes with dark humor—he plays with voodoo, black vernacular, and the sexual powers of slaves—but he’s serious about investigating the long-term effects of internalized racism, and the despair that prevents people from helping themselves. Hungry and sweating in the heat, Darlene wants nothing more than to eat the watermelons she picks at Delicious, but she refuses “ ’cause it seem racist against herself.” Instead, she nearly starves.“Entertainment Weekly
“Hannaham is interested, instead, in the pathology of despair that festers in a racist culture. Darlene doesn’t blame white thugs for their violence because that’s simply what white thugs do, the same way lions hunt gazelles. Infected with the delirium of positive thinking, she can’t free herself from the misimpression that she’s to blame for her own precipitous descent — a fallacy reinforced by America’s mythology of self-reliance."The Washington Post
Écouter/voir James Hannaham parler de son roman ici
Extraits 1 - Extraits 2


Nicolas Delesalle - Un parfum d'herbe coupée (Préludes-2015)
Un livre, que je pensais être un roman, composé de courts chapitres qui sont, en fait, de courtes nouvelles sur la fugacité du temps et de la vie (d’après ce que j’ai lu, l’auteur en a publié certaines sur Facebook).
Donc un recueil qui compile les souvenirs mélancoliques, drôles, nostalgiques, mais pas chronologiques. Toutes ces étapes de la vie d’un jeune garçon et de tout ce qui constitue son monde (l’école, les parents, le chien fidèle, la télé, les vacances et la résidence secondaire qui va avec), à celles qui font un ado (les premiers émois amoureux et littéraires, la première clope…) puis un homme (la paternité, les balades au Père Lachaise…).
Évidemment, on ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec l’indéboulonnable Première gorgée de bière, de Philippe Delerm ou les petites choses et petits plaisirs chers au cœur d’Amélie Poulain.
La lecture n’est pas désagréable (ce n’est pas mal écrit) et renvoie inévitablement le lecteur vers ses propres souvenirs. Pour autant, on est loin des louanges qu’on trouve par brassées sur les blogs et je ne devrais pas en garder un souvenir impérissable.
Extraits


Tom Lanoye - Esclaves heureux (La Différence-2015)
C’est l’histoire de Tony Hanssen et de Tony Hanssen. Tous les deux sont belges flamands, ont à peu d’années près le même âge, et outre leur homonymie, ils partagent une certaine ressemblance dans leurs traits physiques.
Le premier a quitté son milieu bourgeois pour travailler sur les paquebots de croisières où il joue le gigolo pour les vieilles passagères. Quand s’ouvre le roman, il est en train de besogner la femme d’un mafieux milliardaire chinois dans un petit hôtel de Buenos Aires. Le second a fui la Belgique pour l’Afrique du Sud après que la banque où il travaillait comme informaticien l’accuse d’être responsable du scandale financier ayant conduit à sa faillite.
Après quelques (mes)aventures (la mort de l’épouse chinoise, pour l’un, et le braconnage d’un rhinocéros, pour l’autre), Tony Hanssen et Tony Hanssen vont se rencontrer en Chine, dans le même hôtel de luxe de Guangzhou, propriété du mafieux Bo Xiang, point commun qui lie leurs destins.
Lanoye donne à lire une critique acerbe du monde d’aujourd’hui, de la société de consommation et de sa superficialité. Dans la première partie du roman, les aventures des Tony Hanssen sont truculentes. Et si j’ai un peu moins aimé la partie suivante (la 3e et dernière partie étant très rapide), j’ai adoré le ton du roman qui m’a rappelé le cynisme, l’ironie mordante d’un Pascal Garnier.
Extraits


Garth Risk Hallberg - City on Fire (Knopf-2015)
On s’en serait douté, janvier est terminé… mais pas City on Fire [Book II - Chapter 23 (p. 241/912)]. Ma lecture a pourtant bien avancé et les personnages sont bien installés. La lecture est agréable mais je n’ai toujours pas identifié ce qui devrait rendre ce roman si remarquable pour que les éditeurs se l’arrachent à prix d’or…
Peut-être cela me semblerait-il plus évident si je reprenais ma lecture en français… Si c’est une option que je caresse de plus en plus souvent, je n’ai pas encore réussi à m’y résoudre pour le moment… Wait & see.

Commentaires