« Tu verras. Y aura d'autres émeutes raciales en 20200. Ou avant. Je sais pas. »


Une du Los Angles Times (Friday, May 1, 1992)


See, when it comes to Mexican people in this city, we know all about the zoot suiters getting beat the fuck down by white marines and navy dudes and shit. Everybody’s abuelo has got a good story about that. What was that, like 1944 or something? Close enough.
So that shit was about race. It was simple, like: see a brown dude looking slick, smack the shine straight out of his shoes with all your white brothers. Unleash on that fool for dressing prettier than you, you know?
After that happens, everybody looks back and is like (in my best white-newscaster-dude voice), “Wow, that was terrible, just awful, no way should that ever happen again.”
But then they forget about it, and they forget they even thought it was bad, and for a while nothing happens, but nothing got fixed either, it’s just getting drier, ready for another burn, and that’s when Watts happens, which I guess blew up in the ‘60s, cuz nobody’s old-as-fuck uncle will shut up about that shit either. (I don’t know much about families—shit, I don’t know anything about families, but it seems like the kids never listen. Me, I always listen to the older people. I might not look like I’m listening, but I always am. I might not actually do what they say, but I hear it. I hear them. My ears never turn off, man.)
And then after Watts, the same thing happens as before, right? Everybody looks back and is, like, “ “Wow, that was terrible, no way should that happen again,” and the fuckedup thing is they mean it this time, but they sure as shit don’t remember last time, and still nothing changes.
And shit hasn’t changed since. So that’s, what? Twenty years apart for race riots? Enough time for everybody to forget again, right? Cuz it’s nineteen-ninety-fucking-two, and this’s what? Like, thirty? Probably a little less? Doesn’t matter. The way it’s blowing up, this one’s overdue.
This shit is like a bank loan. With interest.
And I might never say much that makes sense to anybody but me, but make sure you write this shit down. Or underline it. Whatever.
If L.A. ever dies, if the people all give up and leave, carve this on its fucking tombstone …
L.A. has a short fucking memory. It never learns nothing.
And that’s what’s gonna kill this city. Watch. There’ll be another race riot in 2022. Or before. I dunno.
[…]
But here’s another thing about L.A. It’s big as fuck but people keep to their corners. There’s whole blocks where people only speak Spanish or Ethiopian or whatever.
It’s like every race’s their own fucking boxer, and when that happens, when you get that mentality, it’s easy to look at everybody else as an opponent, somebody to beat, cuz if you don’t, you don’t get what’s yours. You don’t get the prizes, you know?
And maybe that’s it right there, in nutshells, like they say.
You plunk a bunch of people down from all over everywhere, keep them in their corners and don’t let them mix and figure shit out, and they all got minds to compete, cuz shit, everybody in L.A.’s hustling all the time for everything.
(p. 96-97)



Tu vois, dès qu'il s'agit des Mexicains dans cette ville, on ignore rien des zazous qui se faisaient dérouiller par les mecs de la marine et tout. On a tous un abuelo qui a une bonne histoire à ce sujet. C'était quoi, 1944, ou à peu près ? Bon, j'étais pas si loin.
Donc, ce truc-là, c'était une histoire de couleur de peau. C'était simple, genre : tu voyais un basané super élégant, avec tes frangins blancs, tu le bastonnais jusqu'à lui faire passer l'envie de cirer ses pompes. Tu te défoulais sur ce trouduc fringué mieux que toi, tu vois ?
Une fois que ça a eu lieu, tout le monde regarde en arrière et fait, genre (de ma plus belle voix de présentateur blanc de journal télé) : « Diantre, ce fut terrible, absolument atroce, il n'est pas question que cela se reproduise un jour. »
Sauf qu'ensuite, ils oublient. Et ils oublient même avoir condamné ces faits. Et pendant un certain temps, il se passe rien. Mais rien est réparé non plus Le terrain s'assèche, prêt pour que le feu reprenne. Et c'est là que Watts se produit. Qui a explosé dans les années 1960, je crois bien. Vu qu'on a tous un oncle bien vioc intarissable sur le sujet . (Je connais pas grand-chose aux familles - merde, je sais [que dalle des familles, mais on dirait que les gamins écoutent jamais. Moi, j'écoute toujours les gens âgés. J'ai peut-être pas l'air, mais j'écoute toujours. Possible que je fasse pas ce qu'ils disent, mais j'entends. Je les entends. Mes oreilles se ferment jamais, mec.)
Ensuite, après Watts, la même chose se reproduit, c'est ça ? Tout le monde regarde en arrière et fait, genre: « Diantre, ça a été horrible, pas question que cela se reproduise. » Ce qui est taré, c'est qu'ils le pensent vraiment, cette fois-ci, sauf qu'ils se rappellent pas la fois d'avant, et pourtant y a toujours rien qui change.
Et les trucs ont pas changé depuis. Donc ça fait, quoi ? Vingt ans d'écart entre les émeutes raciales ? Assez longtemps pour que tout le monde ait à nouveau oublié, hein ? Vu qu'on est en 1992, putain, et donc ça fait quoi ? Genre, trente ans ? Probablement un peu moins. ça compte pas. Vu comment elles éclatent, celles-là, il était temps.
Ce truc est comme un prêt bancaire. Avec intérêt.
Je suis peut-être le seul à piger ce que je raconte, mais note bien quand même. Ou souligne bien. Enfin bref.
Si L.A. meurt un jour, si les gens abandonnent tout et foutent le camp, sculpte ça sur sa putain de tombe…
L.A. a la mémoire courte, putain. L.A. retient jamais la leçon.
Et c'est ça qui va tuer la ville. Tu verras. Y aura d'autres émeutes raciales en 20200. Ou avant. Je sais pas.
[…]
Mais tiens, il y a un autre truc à propos de L.A. C'est super grand, mais chacun reste à son coin de rue. T’as des blocs entiers où les gens parlent qu'espagnol, ou qu'éthiopien ou autre.
C'est comme si chaque race était son propre putain de boxeur, et ensuite, ce qui se passe, quand tu chopes cette mentalité, c'est que c'est facile de considérer n'importe qui d'autre comme un opposant, quelqu'un à combattre, parce que si tu le fais pas, t'auras pas ton dû. T'auras pas le gros lot, tu vois ?
Et peut-être que c'est ça, le truc, en un mot, comme ils disent.
Tu regroupes un tas de gens venus de partout, tu les maintiens chacun à leur coin de rue, tu fais en sorte qu'ils se mélangent pas, qu'ils ne pigent rien à rien. Et ils sont tous à se tirer la bourre, vu que merde, tout le monde à L.A. est tout le temps en train de magouiller pour tout.

Ryan Gattis - Six jours
(Traduction : Nicolas Richard)

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