La vérité (remake by Jean-Luc Seigle)


« Je ne pouvais m'empêcher de penser que si la guillotine était bien une invention moderne du châtiment, comme me l'avait appris mon père, pour rendre le châtiment plus propre (il était censé éviter la souffrance), les principes de l'anatomie contredisaient le mythe révolutionnaire. Je savais qu'il était impossible de mourir sur-le-champ, il y avait forcément quelques secondes, la tête détachée du corps, pendant lesquelles le cerveau encore irrigué et la rétine fonctionnent encore. Quelques secondes, ma tête séparée de mon corps, mon nez sentirait, mes oreilles entendraient, mes yeux verraient les juges témoigner tout près de la famille de Félix qui aurait été invitée. Ces quelques secondes de conscience, une éternité. Mon cerveau ne serait plus qu'une sorte d'appareil photographique qui imprimerait à tout jamais la dernière image de ma vie sur ma rétine. On appelle ce principe l'optogramme. C'était donc ça, la punition du condamné à mort : l'image finale et éternelle. Cette idée m'obsédait, je ne pensais plus qu'au déclic de l'appareil intérieur, à la photographie saturée de lumière, puis au silence quand mes oreilles cesseraient d'entendre. » (p.131)


« J'ai su que là-bas je pourrais à nouveau vivre et rêver sans plus rien espérer, juste à maintenir le rêve à ce qu'il est, un désir qui ne déborde surtout pas la réalité et nous lave de tout, qui nous émerveille. » (p.133)

Jean-Luc Seigle - Je vous écris dans le noir

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